Le partenariat parents-professionnels autour d’un projet

Le partenariat parents-professionnels autour d’un projet
26.09.2017 Réflexion sur Temps de lecture : 7 min

Enjeux et conditions d ’émergence du partenariat autour d’un projet

Comme le précisent Pelchat et Lefebvre (2005), le modèle de Bronfenbrenner permet de mieux situer les acteurs dans leur rôle et leurs responsabilités au regard des interventions auprès de la personne handicapée et de sa famille.

L’enjeu fondamental est d’organiser la rencontre entre parents et professionnels autour : 

  • de la reconnaissance des besoins réciproques
  • de la reconnaissance des compétences de chacun
  • d ‘un projet explicite
  • via des modalités clairement identifiables (temps, espace, modes de communication)

1/ Reconnaissance des besoins réciproques…

Les besoins réciproques des parents et des professionnels ont été bien décrits par Van Cutsem (1991) dans un remarquable opuscule. L’auteur relève

a) chez les parents

  • le besoin d ‘information et de comprendre
  • le besoin d ‘être compris et acceptés dans leurs ambivalences
  • le besoin d ‘être reconnus dans leur souffrance
  • le besoin d ‘une aide pragmatique, de relais, de liens
  • le besoin de se sentir utiles et de donner un sens à leurs démarches

b) chez les professionnels :

  • le besoin d ‘être reconnus comme acteurs utiles
  • le besoin de se sortir d ‘un isolement relatif par rapport au reste de la société
  • le besoin de dépasser un état de tension, de se protéger et de prendre du recul
  • le besoin de donner un sens à leur travail

On voit donc les besoins des parents et des professionnels peuvent « résonner », entrer en « écho » les uns avec les autres. On voit une complémentarité pour certains besoins et une symétrie pour d ‘autres

2/ Reconnaissance des compétences de chacun…

La reconnaissance des compétences de chacun suppose que le professionnel n’hésite pas à placer la famille en position d ‘expert comme le suggère Ausloos (1995). Il faut oser dire au parent que l ‘on ne sait pas et même demander de l ‘aide à la famille lorsque c’est nécessaire.

Le modèle de bientraitance élaboré en 2001 par Di Duca, Van Cutsem et Detraux (Detraux, 2002 ; Detraux et Di Duca, 2003) pour analyser l’accordage entre parents et professionnels repose sur trois piliers :

– la dimension du projet, résultant de la confrontation des besoins des divers acteurs
– les rôles et fonctions de chacun, les ressources identifiées et les compétences de chacun
– les actions très concrètes menées par les uns et les autres

Le modèle rend compte de la manière dont les protagonistes d ‘un projet peuvent – de manière dynamique et évolutive- participer à un processus de résilience, tout en le construisant pas à pas. Les acteurs s ‘accordent et se désaccordent : c ‘est le passage du rapprochement àl ‘éloignement et vice versa qui importe comme le suggérait Dessoy (1993)

Dans ce modèle, la dynamique familiale est abordée de manière plus large et non « confinée » au handicap. Tant la famille que les professionnels peuvent se révéler vulnérables. Les parents sont quant à eux regardés avec leurs ressources et sont « contributeurs ». A cet égard, les auteurs proposent que les professionnels prennent le temps d’identifier les ressources que constituent l’ensemble des personnes ou services qui entourent la situation de la famille et de l’enfant. ( son réseau). Il faut ensuite prendre en considération les ressources que sont les savoir- faire ou savoir-être présents dans le champ social et professionnel autour et au sein de la famille. Ces savoir-faire et savoir-être ne sont pas uniquement techniques, et ne sont pas propres à une personne. Ils peuvent être soutenus ou détenus par un groupe, une famille, une équipe. (les compétences.). Enfin, il est les ressources liées au savoir, que l’on entend ici par l’ensemble des connaissances techniques, théoriques et pratiques, mais aussi ce qui tient à la connaissance de l’autre et à l’expérience de vie. Le ou les savoirs peuvent être détenus par certains, partagés, étudiés, appris ou liés à du vécu.

Pour les auteurs, cette phase de reconnaissance des ressources familiales participe à une reconnaissance mutuelle et est un premier pas vers la construction d’un «foyer bientraitant ».

De ce modèle, découle l’idée que ce n ‘est pas tant ce que font ou ne font pas les professionnels qui importe mais bien le regard que ceux-ci portent sur les micro-événements, sur les manières d ‘être et de faire, sur les choix faits par les parents et sur les savoirs et savoir-faire qu’ils reconnaissent effectivement aux parents..

3/ Autour d’un projet explicite…

Enfin, il s’agit de s’accorder autour d’un projet.

Le projet peut être défini comme un ensemble d’intentions, orientées vers un but. La notion comprend donc à la fois la notion d’orientation, de direction vers un objectif (le quoi) incluant les valeurs et la signification liées au projet et à la fois la notion de programme, de stratégies, de moyens pour conduire et réaliser le projet (le comment). Tout projet s’inscrit dans la ligne du temps. Le projet ne se limite pas à un document écrit. Il est au contraire un moteur dans les échanges et la continuité de l’action. Sa nature est essentiellement évolutive.

Les professionnels ont des intentions et celles-ci doivent être explicitées pour les collègues, pour les parents, pour l’enfant. Il s’agit selon nous d’un principe éthique de base. Par ailleurs, les parents et l’enfant ont des attentes. Celles-ci peuvent être vues comme un ensemble de besoins explicités et adressés à autrui (identifié ou non). Ces attentes poussent les parents à se projeter dans le social et sa multiplicité de ses possibles, tout en le confrontant à des limites et contraintes liées au système institutionnel entre autres.

Il est donc essentiel de prendre le temps de faire une analyse des besoins et de confronter les divers points de vue qui auront à s’exprimer tantôt de manière spontanée et très subjective, tantôt de manière plus formelle sur la base d’outils d’observation de la réalité. Cette logique de confrontation est essentielle car elle donne sa dynamique au projet. Il faut donc créer les espaces- temps nécessaires pour que cette confrontation des divers points de vue puisse avoir lieu.

Il nous semble important d’insister sur le fait que c’est le projet – et non l’enfant, comme souvent affirmé- qui est au centre de la rencontre pluridisciplinaire entre professionnels, ainsi que de la rencontre entre parents et professionnels. En effet, placer l’enfant avec déficience au centre de nos discussions maintient celui-ci dans un statut d’objet de traitement plutôt que de sujet- acteur dans le processus. On parle « sur » l’enfant et non avec lui. On confond l’enfant avec ses désirs et ses besoins avec ses parents et leurs propres désirs et besoins. On réduit l’enfant à sa déficience et ont fait découler les besoins de celle-ci de manière quasi automatique.

A l’instar de nombre d’auteurs dans le domaine de l’éducation spécialisée, nous proposons donc de nous servir des outils aujourd’hui bien balisés que sont le projet éducatif individualisé, le programme individuel d’intervention, le plan d’apprentissage individualisé,..et toute autre appellation de ce genre comme autant d’outils et de méthodologies soutenant une dynamique de dialogue et d’une saine dialectique.

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Pour contacter l’auteur :
jean.jacques.detraux@ulb.ac.be

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