Aider son enfant à communiquer grâce au Makaton

Aider son enfant à communiquer grâce au Makaton
11.10.2013 Témoignages Temps de lecture : 9 min

J’ai découvert le MAKATON lorsque mon fils, autiste non verbal,  avait 4 ans…

J’ai découvert le MAKATON lorsque mon fils, autiste non verbal,  avait 4 ans mais je n’ai pas voulu me former tout de suite.

Trop d’appréhensions : peur que les signes et les pictogrammes ne l’empêchent d’acquérir le langage oral, peur qu’il ne communique qu’avec un cercle de personnes restreint. Je me suis finalement formée il y a 9 ans (Nicolas a aujourd’hui 14 ans) et, à ce jour,  mon seul regret a été …de ne pas m’être lancée plus tôt !

Il y a 9 ans…

Une vingtaine de mots : voilà le peu de vocabulaire dont disposait mon fils à 5 ans et demi… Et ces mots n’étaient pas venus naturellement mais ils étaient le résultat d’un travail acharné d’une année et demie de son orthophoniste spécialisée et d’un investissement personnel quotidien, obtenus grâce à la mise en place d’un système de communication par échange d’images (PECS).

Mon fils, Nicolas, était à 4 ans un enfant autiste au trouble du langage très important avec une dysphasie de réception et de compréhension : il décodait très mal le langage oral , comprenait difficilement  les ordres simples et le fait de ne pas pouvoir se faire comprendre le poussait à des colères impressionnantes et violentes envers les autres. Mais c’était un enfant écholalique qui présentait de bonnes capacités d’imitation motrices et qui comprenait facilement les pictogrammes, les images et les photos.

Nous avons découvert le Makaton lorsque nous nous sommes tournés vers des méthodes éducatives et comportementales. Mais à l’époque (mon fils avait 4 ans et demi), aucun professionnel autour de nous n’étant formé, j’ai renoncé à cette formation par peur de restreindre sa communication à un binôme mère-fils et par peur de ne pas être à la hauteur d’un professionnel…

Or, les signes m’intéressaient beaucoup car Nicolas, partisan du moindre effort, préférait souvent abandonner une demande plutôt que d’aller chercher un pictogramme ou une image dans son classeur de communication.

Un jour, son orthophoniste m’annonce son intention de s’inscrire à la formation (malheureusement, cela ne s’est finalement pas fait…) et je me suis inscrite malgré mes appréhensions.

Et là, agréables surprises : une formation identique pour les parents et les professionnels, la rencontre d’un groupe de professionnels « ouverts » avec une réelle envie de s’investir, une formatrice à l’écoute des parents et qui s’appuie sur son expérience personnelle ! De nombreuses vidéos, beaucoup d’exemples concrets et des ateliers de mise en pratique !

Des débuts difficiles…

A la fin de la première session de formation, je suis repartie chez moi pleine d’entrain et je signais tout ce que j’avais appris. Mais là, catastrophe ! Nicolas ne signait pas, ça ne marchait pas…

Il a fallu être patient, prendre de la distance et réfléchir : j’étais allée trop vite, j’avais commis l’erreur de « noyer » mon fils dans une autre langue qu’il ne connaissait pas (tout comme il l’était avec le langage oral) et il ne comprenait pas à quoi ces signes pouvaient lui servir.

Alors, j’ai simplifié un maximum mon langage et j’ai instauré de brèves séances de travail d’apprentissage de signes à partir d’images en commençant par les mots qu’il connaissait déjà, sélectionné des mots nouveaux en fonction de ses besoins et de ses intérêts du moment avec des objets qu’il était susceptible de réclamer. Lorsqu’il voulait quelque chose, j’exigeais qu’il le signe, sinon il ne l’obtenait pas : passer outre ses colères, ne jamais céder, répéter inlassablement les mêmes signes tout en parlant bien sûr… Le signe l’aidait à décomposer les syllabes de certains mots et le stock de mots acquis à l’oral augmentait beaucoup plus vite qu ‘avec le PECS.  Beaucoup de signes « implicites » facilitaient sa compréhension.

Premières victoires, premiers signes…

Nicolas adorait regarder la réaction (exagérée) des adultes lorsqu’il s’approchait d’eux  et criait : « bouh ! ». Je signais et disais de manière répétitive : « Maman a peur ! » et cela l’amusait beaucoup.

Un jour, lors d’une visite à la ferme, il a entendu au loin un chien aboyer. Et là, stupéfaction ! Nicolas a alors prononcé et signé : « Nicolas a peur le chien ! » : première phrase, première victoire !

photomakaton3Il y en a eu beaucoup d’autres : il s’est passionné pour des DVD de chansons en dessins animés qu’on signait ensemble : il retenait davantage les mots chantés : il suffisait alors d’isoler le mot nouveau pour augmenter son vocabulaire. La communication était plus spontanée : quel que soit le lieu où l’on se trouve, on a toujours ses mains à disposition… Petit à petit, je le guidais à construire ses phrases en signant sans parler et de petites phrases sont apparues. A l’école, il avait davantage confiance en lui et cherchait à communiquer..

L’utilisation des pictogrammes

Lors de la formation MAKATON, il est demandé à chaque participant de concevoir une réalisation en pictogrammes. En classe, son enseignante de CLIS Maternelle avait travaillé sur le livre « La chèvre et les biquets » et il essayait de raconter cette histoire en imitant les intonations de la cassette audio et les gestes de la maîtresse. Il ne dissociait aucun mot et le tout ressemblait à un charabia totalement incompréhensible. Il avait alors 6 ans, ne savait ni lire, ni écrire et son langage ne comportait que quelques mots.

C’était la première fois qu’il semblait porter de l’intérêt à un livre et j’ai donc décidé de réadapter ce livre pour le lui rendre accessible. J’ai sélectionné le vocabulaire qu’il connaissait, réécrit l’histoire avec des phrases simples et rajouté quelques illustrations nécessaires à sa compréhension, quelques volets à soulever pour rendre le livre un peu plus ludique. J’ai demandé à sa sœur aînée de réaliser un dessin pour qu’elle puisse, elle aussi,  participer aux progrès de son petit frère …

Et pour la première fois, à l’aide des pictogrammes MAKATON et en lui signant l’histoire, il a pu  raconter une histoire de manière audible et compréhensible !

Par la suite, Nicolas a demandé à ce qu’on lui confectionne d’autres livres en pictogrammes, qu’on dessine des histoires qu’il avait dans la tête, qu’on recherche des images sur Internet et il s’est lancé enfin il y a 3 ans tout seul dans la réalisation d’histoires simples en dessinant de petites BD et en écrivant les bulles des personnages…

Un groupe s’est formé récemment avec la formatrice MAKATON de Lyon pour traduire de petits livres en pictogrammes.

La lecture

Je reste persuadée que le MAKATON a facilité l’apprentissage de la lecture : avec la méthode Borel-Maisonny (une lettre = un signe), il a appris à lire en syllabique. J’avais très peur qu’il ne s’y retrouve plus avec tous ces signes et en fait, il les a acquis rapidement. Lorsqu’il a commencé à décrypter un mot puis une phrase simple, je lui demandais de signer pour vérifier ce qu’il avait compris. De même pour l’écriture, il a rapidement compris qu’il fallait séparer chaque mot signé. Malheureusement, je déplore que ce travail n’ait pas pu être repris à l’école et l’Education Nationale doit prendre conscience que les enfants sont limités dans leurs apprentissages par le manque de formation des enseignants.

Et aujourd’hui ?

Aujourd’hui, Nicolas a 14 ans. Ses difficultés de langage et de compréhension sont toujours présentes au quotidien et l’handicapent dans sa vie de tous les jours : il arrive difficilement à suivre une conversation complexe  mais il est à présent capable d’exprimer oralement ses besoins, ses sentiments, de raconter ce qu’il a fait dans sa journée, de répondre à quelques questions même si la syntaxe de ses phrases n’est pas toujours correcte. Il se fait comprendre par des personnes qui ne le connaissent pas

Depuis 3 ans, il ne signe plus, il n’en a plus besoin…Il a acquis les 400 mots de base que comporte le MAKATON. Il a même en grande partie oubliés les signes qu’il connaissait car il les a progressivement abandonnés au profit de mots acquis à l’oral. Il m’arrive encore de signer lorsqu’il est très fatigué et quand il a du mal à se concentrer. Son comportement s’est beaucoup amélioré et il est à présent scolarisé en ULIS TED où sa façon d’écrire ses rédactions, si particulière, en amuse plus d’un …

Ses deux dernières enseignantes ont su, à l’aide de réadaptations, lui faire découvrir avec passion des livres d’auteurs classiques et il s’est lancé dans la réalisation de BD et de petits films où il reproduit avec ses playmobils les histoires étudiées en classe ce qui stimule son langage et le fait encore progresser. Il sera réalisateur de films, il en est persuadé…

Pourquoi pas vous ?

Il était essentiel pour moi aujourd’hui, 9 ans après ma formation à Lyon, d’apporter un témoignage pour tous ceux qui hésitent encore à se lancer et de dire à tous ceux pour qui la mise en place des signes et des pictogrammes reste difficile de persévérer, que le travail finira par payer. Certes, le MAKATON n’est pas adapté à tous les enfants (et encore, j’ai été très surprise par certaines vidéos…). Mais lorsque cela fonctionne, c’est un véritable tremplin au langage et pour nous, parents, être dans l’action nous aide également à nous sentir mieux.

photomakatonJe sais que je dois beaucoup au MAKATON, à ma formatrice Marielle Lachenal et à mon groupe pour tout le soutien qu’ils m’ont apporté, aux partages d’expériences lors des journées révision et je reste persuadée qu’en associant le MAKATON à d’autres méthodes comportementales et à d’autres outils, on peut transformer la vie d’un enfant et celle de sa famille.

 

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